Je ne reconnais pas les personnes que je connais, surtout lorsqu’elles changent de style. Si une personne qui ne porte pas de lunettes décide un jour d’en porter, je ne la reconnaîtrai pas. Pareil pour les chapeaux et les coiffures. La plupart du temps, je n’arrive pas à reconnaître les gens, quel que soit leur style. Les masques d’Halloween me terrifient, et les gens ne me paraissent pas être les mêmes en personne ou en photo ; différentes photos d’une même personne m’apparaissent comme des photos de personnes distinctes.
« Prosopagnosie » est le terme médical qui désigne cette incapacité à reconnaître les visages et vient du grec, « prosopon » qui signifie « visage » et « agnosie » qui signifie « ignorance ». Ceux d’entre nous pour qui les visages sont étrangers peuvent sembler manquer d’attention, distraits ou distants, alors que beaucoup d’entre nous luttent contre l’anxiété sociale, en raison des réactions d’autrui envers leur handicap. Sur le blog Squarepeg, Amy Richards, défenseur de la cause des autistes, et elle-même prosopagnosique, raconte ses souvenirs de cours de sport en classe de seconde :
« Les sports scolaires étaient un enfer pour moi. Je me souviens très bien de faire face à un cercle de filles qui criaient sur le terrain de Netball (sorte de Basketball) et de n’avoir aucune idée de la personne à qui lancer la balle : leurs visages étaient flous et je n’arrivais pas à savoir quelles filles étaient dans mon équipe. Les cris et la pression me faisaient paniquer et je lançais invariablement le ballon à quelqu’un de l’équipe opposée… ou je passais le ballon dans la mauvaise direction, car je ne pouvais jamais me rappeler quel côté était le nôtre. » (1)
Les environnements sociaux sont une épreuve pour ceux qui ne reconnaissent pas les personnes qui semblent les connaître, surtout si vous êtes le genre de prosopagnosique qui a l’impression de vivre parmi des étrangers. Aujourd’hui, je travaille à domicile, et blesse rarement les gens par mon ignorance de leur visage, mais dans mon dernier poste, en tant qu’étudiant diplômé, j’ai eu du mal à enseigner et à travailler avec des personnes qui me semblaient toutes identiques. J’ai souvent dérouté et blessé des étudiants, des collègues et d’autres membres du personnel du campus en leur demandant leur nom ou en les appelant par le nom d’autres personnes. J’ai abordé des inconnus en pensant qu’ils étaient des personnes que je connaissais.

Lorsque j’ai rencontré d’autres neuroatypiques qui ne reconnaissent pas non plus les visages, je me suis donné la permission, lorsque c’était possible, de dire simplement « Je ne reconnais pas les visages », pour réduire les risques de blesser quelqu’un. D’autres moyens de contourner ce handicap consistent à se concentrer sur les traits et expressions distinctifs du visage, ou sur la posture ou la démarche d’une personne. Le contexte est également utile, tout comme la mémorisation des comportements et des voix.
Bernard Grant, PhD – Article original sur le site de Specialisterne Canada: Face Blindness
Traduction en français : Pascale Marchal